Antimanuel d'écologie

Publié le par Pierre Thiesset

IMG_1780.JPGYves Cochet est le seul député français partisan de la décroissance. Tout le reste de l'Assemblée nationale est composée de productivistes béats, de droite comme de gauche. En choeur, l'hémicycle entonne l'hymne du progrès : « vive la croissance », croassent-ils. Ces « représentants » du peuple, qui n'hésitent pas à s'autoproclamer avant-garde,  ne semblent pas prendre conscience des périls qui nous menacent. Ils votent de grands plans de relance pour maintenir jusqu'au bout un capitalisme condamné, au mépris de l'humanité. Au mépris de la vie.

 

Car, cet Antimanuel d'écologie n'y va pas par quatre chemins, c'est bien la vie qui est menacée. En quelques décennies, l'homme a détruit ce qui s'est constitué en des millions d'années. Nous dépassons les capacités de la planète. Les réserves en eau s'amenuisent, la biodiversité s'effondre, le réchauffement climatique et la montée des eaux s'emballent, les forêts régressent, les espaces naturels intacts se raréfient, les sols se dégradent, des réfugiés climatiques sont délogés de leurs terres submergées ou désertifiées... Nous avons joui sans entraves des technosciences, sans vouloir en subir les conséquences. Pauvres enfants que l'on est, le jeu est fini. Game over.

 

La croissance exponentielle aboutit au chaos. Les rapports annonçant des prévisions effroyables se multiplient. Les textes produits par le groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat ne sont pas alarmistes, ils sont même en deçà d'une réalité qui incite peu à l'optimisme. Les pays riches continuent à se voiler la face, refusent d'admettre l'échec du capitalisme. On en appelle à la science pour nous sauver. Vaines incantations.

 

On ne peut dominer la nature, l'environnement n'est pas périphérique : nous en faisons partie. La « crise » n'est pas passagère : c'est la « phase terminale » du capitalisme. Du fait de la raréfaction des ressources naturelles, la croissance de l'économie ne peut plus rattraper une dette devenue trop massive. Le pétrole, sur lequel repose la mondialisation, décline. Son pic d'extraction est derrière nous. L'offre ne peut plus réponde à une demande sans cesse croissante, ce qui engendre guerres, récession, inflation. C'est « la plus grande épreuve qu'ait jamais eu à affronter l'humanité ».

 

Pour limiter les conséquences de l'effondrement, la seule issue est d'aller vers une société de sobriété. La décroissance est inévitable. Nous devons diminuer drastiquement notre consommation d'énergie. D'abord en nous attaquant aux voitures, « l'un des principaux problèmes de nos sociétés ». En s'appuyant sur le rapport de l'Agence internationale de l'énergie, Saving oil in a hurry, Yves Cochet propose des pistes : bons de rationnement de l'essence, interdiction des déplacements automobiles non professionnels le dimanche, limitation de la vitesse à 90 sur autoroutes, 60 sur routes et 30 en ville, bridage des moteurs, interdiction des grosses cylindrées, diminution du poids des véhicules, rétablissement de la vignette automobile. Mais aussi renforcer les transports publics, restreindre la semaine de travail à quatre jours et 32 heures, le partager, créer un revenu d'existence inconditionnel pour détruire la centralité du travail, mettre fin à l'agriculture industrielle, démanteler la publicité, en finir avec la grande distribution, l'aviation... Tout doit être relocalisé. Nous devons tisser des petites sociétés territoriales, tendues vers l'autosuffisance énergétique et alimentaire, centrées sur l'humain, reliées dans un système fédéraliste.

 

Yves Cochet appelle à la mobilisation générale autour d'une « économie de rationnement » digne des années 40. Cela ne se fera pas sans un immense de travail de « décolonisation de l'imaginaire », cher à Serge Latouche, autre figure de proue de la décroissance. Pour reprendre les termes de Paul Ariès, c’est ça ou la barbarie. Il est temps de prendre conscience que non, « les lendemains ne chanteront pas ».

 

Yves Cochet, Antimanuel d'écologie, Editions Bréal, 2009.

Publié dans Livres anti-bagnoles

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