Bangladesh Rickshaw

Publié le par Pierre Thiesset

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« Ils sont rickshaw-wallahs. Ils font l'un des métiers les plus pénibles au monde. A ma façon, je veux leur rendre hommage. Je veux parcourir les routes du Bangladesh et de l'Inde avec ce rickshaw, et aller à leur rencontre. Je veux rendre témoignage des conditions de vie de ces hommes. » 

 

Ces quelques phrases affichées sur le taxi à pédales de Jean-Louis Massard résument la démarche du voyageur. En sillonnant le Bangladesh et l'Inde en tricycle, lentement, le Savoyard s'est immergé dans le monde étourdissant des conducteurs de rickshaws. Son livre Bangladesh Rickshaw vient rendre compte de l'existence de ces sous-prolétaires méprisés par tous.

 

Si méprisés que les commerçants en viennent à les insulter, les violenter. Quand l'auteur gare son rickshaw devant un hôtel, il se fait chasser au jet d'eau par le maître des lieux. Cette machine fait tache, écorne l'image de l'établissement. Les policiers se demandent pourquoi un occidental vient s'intéresser à ces gueux non éduqués, sans intérêt, qui ne parlent même pas anglais. Le passage de la frontière avec l'Inde s'éternise : les douaniers sont décontenancés par ce voyageur atypique. Pourquoi donc s'éreinter sur un rickshaw quand on peut prendre l'avion ? Quant aux autorités, elles mettent des bâtons dans les roues des vélos-taxis en leur interdisant l'accès à certaines avenues. La modernité, c'est l'automobile et les quartiers d'affaires arrogants.

 

Malgré ces attaques, les rickshaws restent le mode de transport privilégié à Dhaka. Entre 500 et 600.000 de ces véhicules colorés circulent dans la capitale du Bangladesh, pour assurer 20 % des déplacements des citadins. Depuis son apparition dans les années 1930, le rickshaw, vestige de la colonisation britannique, tient un « rôle vital et majeur dans l'économie du pays ». Non seulement ce tricycle est essentiel au transport des personnes, mais aussi au fret des marchandises. Cette simple machine peut porter des troncs d'arbres, des pierres, des poules, des fruits et légumes... 

 

Dans les rues bruyantes et densément peuplées, où les embouteillages sont permanents, les tricycles slaloment entre les piétons, les charrettes, les boeufs, les vélos, les motos, voitures, bus, camions et parfois entre des éléphants. « Le rickshaw a cette cote ici, car c'est le moyen de transport bon marché par excellence, qui se faufile partout, abordable pour tous, et toujours disponible à toute heure et en tout lieu, à la différence de transports en commun à l'organisation toujours chaotique. »

 

Jean-Louis Massard s'est frotté à cette circulation torrentielle pour décrire avec précision le travail éprouvant de ces virtuoses, maîtres du trafic. « Un coup d'oeil vers l'arrière, et Mattahab, notre rickshaw-wallah, se dresse debout sur ses pédales, tire le guidon à lui et jette lourdement son corps en arrière, puis le bascule vers la droite, se redresse péniblement, puis le bascule vers la gauche. Deux passagers à tracter, sur un tricycle sans vitesse d'une centaine de kilos. Le rickshaw progresse, lentement, très lentement. Au plus vite certes, mais lentement. » Ces frêles pédaleurs n'ont pour la plupart pas reçu d'instruction. Ils viennent des campagnes pour être exploités par des compagnies peu soucieuses de leur sort : les rickshaw-wallahs versent tous les jours une somme d'argent au propriétaire de leur outil de travail, dorment dans la promiscuité sous des cabanons ouverts aux quatre vents, mangent leur riz dans la rue et ne gagnent que quelques pièces. Mais leur dénuement ne fait que renforcer leur grandeur.

 

Avec une écriture humble et chaleureuse, Jean-Louis Massard nous fait partager son regard admiratif sur ces rickshaw-wallahs et ce Bangladesh qu'il aime tant. Loin des clichés ressassés sur un pays présenté comme misérable, l'auteur s'émerveille devant ses rencontres et ses découvertes, cette vie foisonnante, ce peuple à la résilience puissante, capable de se relever par l'entraide après des cyclones ou des inondations dévastatrices. Ce captivant Rickshaw Bangladesh mérite d'être considéré comme un grand reportage exceptionnel.

 

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